La chaire IA Responsable travaille de manière interdisciplinaire sur les clés de la conception, du développement et de l’utilisation des produits et systèmes d’IA éthiques et responsables tout au long de leur cycle de vie.
Le 1er workshop de la chaire porte sur le thème « Ethique et morale ». Pour concevoir une IA éthique, il faut comprendre la notion d’ « éthique ». Afin de débroussailler un champ d’étude complexe, ce premier évènement pose les bases de notre approche pour créer une IA éthique. Il apparaît d’abord essentiel de savoir si l’éthique se distingue de la morale. Quelles sont les origines lointaines de la morale ? Le bébé a-t-il déjà un comportement moral ? L’animal est-il moral ? Quelles différences lorsqu’on passe de l’éthique à une éthique appliquée ? La pensée éthique en santé ou dans le secteur des affaires peut-elle servir de modèle pour l’éthique de l’IA ? Finalement, comment penser l’éthique en IA ?
13.30 - 13.45 - Introduction,Nathalie Nevejans, Titulaire de la Chaire IA Responsable, Maître de conférences HDR en droit privé, Directrice de l’Observatoire Ethique et IA de l’Institut Sapiens, Membre du Centre Droit Éthique et Procédures (CDEP), Membre du Comité d'éthique du CNRS (COMETS)
13.45 - 14.15 - De la règle à la pratique, de la morale aux éthiques, Emmanuel Goffi, Philosophe, éthicien de l’IA, Co-Directeur du Global AI Ethics Institute
Résumé : L’éthique est aujourd’hui à la mode. Bien souvent convoquée pour rassurer ou s’extraire du droit, cette branche de la philosophie est devenue un outil de marketing et de communication politique. D’éthique le discours est devenu « cosm-éthique » avec pour seul ambition de créer artificiellement de la confiance. Pour autant, l’exercice montre ses limites avec la multiplication des codes d’éthiques appliquée à l’IA et notre incapacité à réguler cette technologie.
Il est désormais plus que nécessaire de ramener l’éthique à son domaine qu’est la philosophie avec Paul Ricoeur pour en saisir la complexité, avec George Simondon pour en appréhender les risques, avec Hans Jonas pour questionner notre responsabilité. Bien au-delà, dans un monde globalisé, il devient urgent d’ouvrir le débat à d’autres perspectives venant de philosophies et de sagesses non occidentales.
14.15 - 14.45 - Les sources non humaines de la morale : ce que nous apprennent les animaux, Dalila Bovet, Éthologue, Professeur à l'université Paris Nanterre, UFR Sciences Psychologiques et Sciences de l'Education (SPSE), Laboratoire Ethologie Cognition Développement (LECD)
Résumé : Traditionnellement, la morale est considérée comme un phénomène purement humain et culturel, opposé aux instincts des animaux censés s’affronter selon la « loi de la jungle ». Cependant, depuis une vingtaine d’années, de plus en plus de chercheurs abordent les origines de la morale dans une perspective évolutive. Nous nous inspirerons notamment des recherches de Frans de Waal selon lequel la morale repose sur quatre « blocs de construction » que l’on trouve aussi chez des animaux non humains, en particulier chez les primates : l’empathie, les normes sociales, la réciprocité, et enfin le souci de la communauté et de la bonne entente au sein de celle-ci. Nous étudierons ainsi dans quelle mesure la morale est basée sur des émotions et des comportements sociaux communs à différentes espèces et favorisés par la sélection naturelle.
14.45 - 15.15 - Dimensions de la cognition morale, Laurent Bègue-Shankland, Professeur, UGA / Institut Universitaire de France, Directeur de la Maison des Sciences de l'Homme Alpes (UAR CNRS 3394/Université Grenoble Alpes)
Résumé : L'auteur se propose d'examiner du point de vue de la psychologie sociale les facettes de la cognition morale.
15.45 - 16.15 - L'éthique en santé : pourquoi, comment, et pour... quoi ?, Jérôme Zimowski, Infirmier, Cadre de santé formateur, Croix-Rouge française, Institut Régional de Formation Sanitaire et Sociale (IRFSS) des Hauts-de-France, Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) de Lens
Résumé : Les progrès technico-scientifiques, l’évolution de l’offre et de la demande en soins dans un contexte de raréfaction des ressources, mais aussi les crises sanitaires, engendrent des conflits de valeurs déstabilisant les pratiques soignantes. L’éthique apparaît désormais comme un critère d’évaluation normative des établissements de santé et médico-sociaux. Outre l’obligation institutionnelle, l’éthique s’émancipe d’une approche médico-centrée pour offrir des perspectives porteuses de sens aux professionnels de santé et aux usagers.
Durée : 30 minutes
16.15 - 16.45 - Prémices et évolution de l'éthique d'entreprise, Isabelle Bufflier, SKEMA Business School, Responsable du Master Management & Droit des affaires, Professeure associée en Droit et Ethique des affaires, Membre de l'Académie Digitale, Membre du Centre de recherches PRISM
Résumé : L’essor récent de la responsabilité sociale des entreprises traduit l’idée que l’entreprise doit intégrer une dimension éthique, particulièrement en matière sociale et environnementale. Les normes traduisant ce concept d’entreprise citoyenne, au départ de droit souple, se sont progressivement durcies, imposant aux grandes entreprises une série de démarches préventives contraignantes. Pourtant, la recherche d’une éthique d’entreprise volontaire, catalysée par une gouvernance responsable, a le mérite certain, en étant plus authentique, d’avoir une force de conviction plus puissante et de permettre d’inscrire un nouveau modèle économique au cœur même de l’écosystème entrepreneurial. Toutefois, cette démarche éthique, pour avoir un impact positif, se doit d’irriguer l’entreprise dans toutes ses composantes et ses parties prenantes.
Durée : 30 minutes
16.45 - 17.15 - Quelle éthique, pour quelle IA ?, David Doat, Maître de conférences en philosophie à ETHICS, EA 7446, Titulaire de la Chaire ETH+ Éthique, Technologie et Transhumanismes
Résumé : Cette intervention proposera dans un premier temps une cartographie du paysage de la philosophie morale et de ses théories, en prenant soin de distinguer la métaéthique, de l’éthique normative et de l’éthique appliquée. En interrogeant ensuite la question des relations entre l’éthique et l’intelligence artificielle, nous nous intéresserons aux mœurs dominantes, pratiques et habitus, qui se sont imposés cette dernière décennie dans nos manières de faire de l’éthique du numérique et de l’IA dans nos démocraties occidentales. Nous nous demanderons si ces pratiques, telles qu’elles semblent aujourd’hui cristallisées en une configuration précise, constituent une réponse suffisante, et suffisamment satisfaisante, à nos besoins d’éthique en matière d’IA. Nous terminerons cette intervention en réfléchissant aux raisons pour lesquelles sans une éthique humaine de l’IA, une IA éthique nous semble impossible, en un sens spécifique que nous tâcherons de préciser.
Cette Table ronde finale est l’occasion d’une synthèse avec tous les intervenants et le public pour réflechir aux enseignements du workshop sur la façon de penser l’éthique en matière d’IA.